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Arrangements Privés

J'ai lu Aventures & Passions
Version Originale: Private Arrangements
7 octobre 2009 ♦ Poche
ISBN-13: 9782290014165
ISBN-10: 2290014168

Arrangements Privés

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Publishers Weekly meilleure
romance de 2008

Aux yeux de la société londonienne, lord et lady Tremaine forme le couple idéal. Ce mariage leur a permis de s’élever socialement, et tous deux ont trouvé un arrangement : il vit aux Etats-Unis, elle en Angleterre.

Au cours de leurs dix ans de mariage, ils se sont peu vus, peu rencontrés, mais dit-on leurs relations sont fort courtoises. Un jour, lady Tremaine demande le divorce. Le scandale éclate. Comment un couple aussi bien assorti peut-il rompre un arrangement aussi parfait?

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Extrait

Londres, 8 mai 1893

Arrangements Privés

Une seule sorte de mariage recevait l’approbation de la haute société.

Les mariages d’amour étaient considérés comme vulgaires, le bonheur domestique retombant en général aussi vite qu’un soufflé. La fâcherie conjugale était encore plus déconsidérée. Le sujet restait tabou, car la moitié des membres de la caste supérieure en avait fait la douloureuse expérience. Non, décidément il n’y avait qu’une sorte de mariage susceptible de traverser les vicissitudes du temps : l’entente cordiale. Et il était de notoriété publique que le couple formé par lord et lady Tremaine appartenait à cette catégorie bénie.

En dix ans de mariage, aucun d’eux n’avait jamais prononcé contre l’autre le moindre mot déplacé, que ce soit devant des parents, des amis ou des étrangers. À leur domicile, les domestiques pouvaient en attester, il n’y avait jamais eu la moindre querelle ou la plus petite dissension. Apparemment, ils étaient toujours d’accord sur tout.

Évidemment, chaque année, il se trouvait toujours une débutante fraîche émoulue de son pensionnat pour faire remarquer avec impertinence que lord et lady Tremaine ne vivaient pas sur le même continent, et qu’ils ne s’étaient pas revus depuis le lendemain de leurs épousailles.

Comme si personne ne le savait !

Navrées par tant de candeur, les matrones secouaient la tête. La petite ingénue tomberait de haut quand elle apprendrait que son fiancé entretenait une cocotte à Chelsea, ou quand elle se rendrait compte que son amour pour son mari s’était éteint, soufflé comme la flamme d’une bougie.

Elle comprendrait alors à quel point l’arrangement des Tremaine était ingénieux.

Dès le début, courtoisie, indépendance et liberté avaient été les maîtres mots de cette union dépourvue de toutes ces émotions pénibles qui ruinaient le quotidien : déception, chagrin, jalousie... Que pouvait-on espérer de mieux ?

Ce mariage était donc parfait en tout point.

C’est pourquoi la nouvelle fit l’effet d’une bombe lorsque lady Tremaine demanda le divorce pour abandon du domicile conjugal et adultère.

Dans les salons huppés de Londres, les esprits s’enflammèrent.

Dix jours plus tard, on apprenait que lord Tremaine avait quitté l’Amérique et posé le pied sur le sol anglais pour la première fois depuis dix ans. Et une stupeur incrédule envahit les élégantes demeures de Grosvenor Square et de Park Lane.

Peu à peu, des bribes d’informations arrivèrent. Les commères se déchaînèrent alors, et les ragots se répandirent en ville comme une traînée de poudre. De maison en hôtel particulier, on rapportait que tout avait commencé un beau matin par un impérieux coup de sonnette à la porte de lady Tremaine.

Goodman, son fidèle majordome, avait été répondre. Sur le seuil, il avait trouvé un bel homme, grand, bien bâti, qui dégageait une forte autorité naturelle.

Quoique surpris, Goodman avait conservé une mine parfaitement impassible, comme tout bon majordome qui se respecte. Et il avait salué le visiteur d’un placide :

– Bonsoir monsieur. Que puis-je pour vous ?

Il s’attendait à ce que l’inconnu lui tendît sa carte et exposât le but de sa visite. Au lieu de cela, ce dernier lui fourra son haut-de-forme entre les mains avant de pénétrer dans le hall d’un pas décidé. Là, il entreprit d’ôter ses gants, sans daigner fournir la moindre justification à cette intrusion scandaleuse.

– Mais, monsieur... milady ne vous a pas autorisé à pénétrer chez elle, balbutia Goodman.

L’homme se retourna à demi pour le transpercer d’un regard acéré, qui donna au malheureux domestique l’envie de se recroqueviller sur place.

– Nous sommes bien chez lord et lady Tremaine ? s’enquit le visiteur.

Arrangements Privés

– Certes, monsieur. En dépit des manières sauvages de l’inconnu, Goodman n’avait pu s’empêcher d’employer la formule de politesse. Ce type avait une prestance certaine.

– Et depuis quand le maître des lieux aurait-il besoin de la permission de son épouse pour entrer chez lui ? reprit l’homme en faisant claquer ses gants dans la paume de sa main gauche.

Tout d’abord, Goodman ne saisit pas. Sa maîtresse était comme la reine Elizabeth en son temps : elle régnait seule sur la maisonnée. Puis, lentement, le jour se fit dans son esprit horrifié.

Celui qui se tenait devant lui n’était autre que le marquis de Tremaine, l’époux de la marquise qu’on n’avait pas revu depuis dix ans, l’héritier du duc de Fairford.

Goodman s’était mis à transpirer. Toutefois, sans perdre son sang-froid, il débarrassa lord Tremaine de ses gants.

– Je vous demande pardon, milord. Nous n’avons pas été prévenus de votre arrivée. Je vais faire immédiatement préparer vos appartements. Puis-je vous offrir des rafraîchissements pour vous faire patienter ?

– Pourquoi pas. Et vous veillerez à faire décharger mes malles de la voiture. Lady Tremaine est-elle à la maison ?

Le ton était tout à fait banal. On aurait pu croire que le marquis revenait de son club après y avoir passé l’après-midi. Mais il s’était absenté dix ans !

– Lady Tremaine est partie se promener dans le parc, milord.

– Très bien. Sur un hochement de tête, lord Tremaine s’éloigna en direction du salon.

D’instinct, Goodman le suivit, comme il l’aurait fait si une bête féroce s’était introduite dans la maison. Trente secondes plus tard, le marquis se retourna et, l’apercevant, haussa les sourcils. Le majordome comprit alors que sa présence était devenue indésirable.

Il y avait quelque chose de perturbant dans l’aménagement de cette demeure, songeait lord Tremaine qui venait de jeter un coup d’œil au salon.

La décoration était de très bon goût, ce qui était plutôt surprenant. Il s’était attendu à trouver une profusion de dorures, de pampilles, de brocart et de pompons, comme sur la 5e Avenue où ses voisins semblaient vouloir reconstituer chez eux la splendeur passée de V ersailles.

Ici, les chaises tapissées de velours paraissaient confortables avant tout. On ne trouvait pas de murs lambrissés de bois sombre. Et surtout, on échappait à cette prolifération de bibelots que les Anglais adoraient disséminer aux quatre coins de leur maison.

Pour un peu, il aurait retrouvé l’ambiance fraîche et ensoleillée de cette villa turinoise où il avait passé quelques semaines très heureuses dans sa jeunesse. Il se rappelait encore les tapisseries dans les tons pastel, les tables en fer forgé, les pots en faïence dans lesquels poussaient des orchidées, et ces ravissants meubles couleur miel qui dataient du siècle passé.

Au cours de son enfance chaotique où on l’avait transbahuté d’un logis à l’autre, il ne s’était vraiment senti bien que dans deux endroits : chez son grand-père, et dans cette maison italienne dont il avait aimé la luminosité, les parfums, et le confort dépourvu d’ostentation.

La similitude entre ce dernier lieu et l’hôtel particulier de lady Tremaine ne pouvait être que le fruit du hasard. C’est du moins ce qu’il crut, jusqu’au moment où son regard tomba sur deux tableaux aux murs.

Entre un Rubens et un Titien, la marquise avait accroché des œuvres de ces mêmes artistes modernes qu’il avait lui-même exposés dans sa maison de Manhattan : Sisley, Morisot, Cassatt et Monet, dont certains comparaient fort injustement le travail à du papier peint de mauvaise facture.

Il passa dans la salle à manger, et son rythme cardiaque s’accéléra.

À voir les murs, on aurait pu croire que la marquise avait acquis toute une exposition impressionniste : il y avait là d’autres Monet et deux Degas, un Renoir, un Cézanne, un Seurat, ainsi que d’autres artistes à la renommée encore confidentielle, dont on parlait seulement dans les cercles les plus proches du microcosme artistique parisien.

Arrangements Privés

Parvenu au centre de la pièce, il s’immobilisa soudain, incapable d’aller plus loin. Cette maison était un rêve devenu réalité pour le jeune homme qu’il était dix ans plus tôt et qui, au cours de longues conversations animées, avait maintes fois mentionné sa préférence pour les décors subtils et sa passion pour l’art moderne.

Il se rappelait encore l’attention extrême qu’elle portait à ses propos, sa mine concentrée, ses questions précises énoncées d’une voix douce, sérieuse. À cette époque, elle le regardait comme un dieu vivant.

Alors, à quoi rimait cette demande de divorce ?

S’agissait-il d’une ruse ? D’un subterfuge destiné à le piéger quand tout le reste avait échoué ? Allait-il la trouver étendue sur le lit de sa chambre, toute parfumée, son corps blanc dénudé et offert ?

Il passa à l’étage supérieur et, ayant localisé la suite principale, y pénétra.

Elle n’était pas là, ni nue ni dévêtue sur le lit conjugal. Pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait pas de lit.

Il n’y avait rien, d’ailleurs. La chambre était aussi vaste et vide que l’Ouest américain. On ne voyait plus la marque des pieds de meubles sur le tapis. Les murs unis ne présentaient pas de délimitations rectangulaires, comme c’est le cas lorsqu’on vient d’enlever un tableau. Une épaisse couche de poussière recouvrait le parquet et l’appui de la fenêtre.

Cette chambre ne servait plus depuis des années. Il eut l’impression de recevoir un coup sur la tête. Pourtant, il n’y avait pas vraiment de quoi s’étonner.

Le salon attenant était en revanche d’une propreté irréprochable et parfaitement aménagé. On y trouvait des bergères profondes, une méridienne confortable, ainsi qu’une bibliothèque emplie de livres qui avaient apparemment été beaucoup manipulés. Le secrétaire était pourvu de feuilles de papier à lettres et d’un encrier. Il y avait même un vase d’amarantes en fleur sur le plateau. En comparaison, la chambre voisine n’en paraissait que plus inutile et désolée.

La conclusion s’imposait : cette maison avait peut-être été arrangée autrefois dans l’intention de le séduire, mais dix années s’étaient écoulées depuis. Une éternité.

Aujourd’hui, elle l’avait purement et simplement rayé de son existence.

Debout sur le seuil de la porte de communication, il fixait toujours les murs nus de la chambre abandonnée quand le majordome arriva, suivi de deux valets qui apportaient une lourde malle.

Face à la pièce vide, symbole du néant qu’était leur mariage, le majordome rougit mais déclara d’un ton neutre :

– Il va nous falloir une petite heure pour aérer les lieux, les nettoyer et amener des meubles, milord. Nous ferons au plus vite.

Camden faillit rétorquer que ce n’était pas la peine de se donner tout ce mal, que la chambre pouvait bien rester dans cet état, qu’il s’en fichait. Mais il en aurait alors trop révélé. Il se contenta de hocher la tête et de marmonner :

– Parfait. Faites au mieux.

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